Le temps « béni » des colonies

Deliveroo sustainable ?

Je sirotais un café à une table de ma plus belle place de Paname, parce que les terrasses avaient rouvert et qu’il était encore trop tôt pour ma bière, quand j’entendis une phrase qui fit dresser l’oreille ornée de gris du vieux renard argenté des surfaces parisiennes que je suis : « Je n’achète plus rien de neuf, comme Jane Fonda », disait une jeune voix féminine.

Écoutez cette chronique OK Boomer ci-dessous

Profitant de la flexibilité encore intacte de mon cou, je me retournai pour jeter un œil bleu teinté d’or sur l’origine de cette affirmation pour le moins schizo-générationnelle. La jeune fille, 25 ans c’est une jeune fille ? ou une jeune femme ? je n’ai pas consulté mon guide du comportement Version 2021 avant d’écrire cette chronique, n’hésitez pas à m’éclairer de vos lumières par retour de mail, venait de lâcher ce qui pour moi était une bombe à fragmentation sur la table encombrée de Spritz et autres pintes d’IPA qu’elle siphonnait avec ses camarades sur ce que j’aimais à considérer comme MA terrasse.

L’obsolence a été déprogrammée ce matin

Comment ? Une Y, une de cette génération dont je pouvais chaque jour apprécier le dégoût pour l’obsolescence programmée, cette même obsolescence dont j’étais moi-même le démenti parfait grâce au très beau patrimoine génétique dont j’ai hérité, venait de citer, venait Barbarella dans une conversation en 2021 ? Ce monde est-il vraiment devenu fou ? Et de prendre conscience que, dans la phrase, « Jane Fonda » n’était pas la plus importante des informations. Gwyneth, Kim, Véronique ou Davina, n’importe quelle influenceuse boomer aurait fait l’affaire. Ce qui importait vraiment c’était la décision ferme et définitive de ne plus bourrer son armoire de vêtements neufs. Mais de bourrer maintenant son armoire de vêtements de seconde main. Je me dis que la prise de conscience de Ceux qui nous suivent des enjeux de notre planète est maintenant une réalité et que les enfants Ouïghours, Bengalis ou Pakistanais n’ont pas un avenir très rose devant eux si les Parisiennes coupent le moteur de la surconsommation et rejoignent les rangs des Fringoholiques Anonymes.

Bonne conscience alternative : Phénomène apparu au début du XXIe siècle lié à la prise de conscience des jeunes générations de l'impact de la surconsommation sur notre planète.  Puis ce phénomène a disparu. Puis il a réapparu. Puis...

Puis je réalisai que non, tout n’était pas perdu pour la production mondiale enfantine. En continuant à bourrer son armoire, elle pourrait sans doute en pratiquant une économie circulaire avec une boucle qui tourne très vite, surconsommer et assurer l’avenir des enfants des enfants travailleurs, vivant là-bas dans le Tiers Monde où que c’est loin et que peut-être on est pas vraiment un enfant quand on a six ans les mains sur une machine à coudre. J’étais soulagé parce je n’aime pas que les enfants souffrent, je suis moi aussi bienveillant.

J’en étais là de ma réflexion quand la troupe enchaîna sur le menu de leur dîner du soir. Ils hésitaient, me sembla-t-il parce que je n’étais quand même pas inclus dans cette conversation, entre commander des focaccia, des poke bowls ou des sashimis. Il semblait que les poke bowls n’étaient pas disponibles chez Uber Eats, ce qui était un problème parce que les livreurs Deliveroo n’étaient pas très bien notés par la petite bande.

Le moteur de la bonne conscience est-il enrayé ?
Gilles Rapaport Mai 2021

En entendant cette dernière réflexion, je ne pu m’empêcher de penser à la magnifique chanson de l’immense Michel Sardou qui sert à peu près de titre à cette chronique. 

À l’heure de la réécriture à l’effaceur de l’histoire dont certains nous rebattent les oreilles, je me rendais compte une fois encore que la bonne conscience à variateur alternatif de Ceux qui marchent après moi assurerait un avenir glorieux à l’utilisation de la carabine à répétition des erreurs passées.

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